mercredi 18 novembre 2015

Attentats

         Le 29 octobre, j'ai écris un mail à trois de meilleures amies, parisiennes. Je leur ai dit d'observer autour d'elle, d'être alerte dans la rue, d'éviter les grands magasins ou les endroits bondés pour les courses de Noël. C'était deux semaines avant les attentats. J'avais beaucoup hésité avant d'écrire ce mail, mais mon inquiétude était grande. J'avais lu quelques semaines plus tôt, un article alertant sur i24 news, qui décrivait que les services de renseignement craignaient un attentat de grande envergure comme la prise en otage d'un grand magasin...Et il y a quelques mois, j'avais entendu l'analyse d'une israélienne vivant en France qui m'expliquait qu'elle avait vu dans les voitures béliers lancées contre les passants pendant les courses de Noël, des signes avant-coureurs des attentats de janvier. Alors j'ai fait un parallèle avec aujourd'hui. J'avais lu que des attaques au couteau avaient eu lieu en France, certaines très graves et qu'à nouveau on décrivait les assaillants comme des déséquilibrés. J'avais beaucoup hésité à leur écrire, j'avais limité mon mail à trois personnes, je me disais que je ne voulais pas lancer la psychose ou une rumeur, j'avais effleuré mes intuitions, j'étais dans la retenue, mais tout de même ils fallaient qu'elles fassent attention, comme moi, parcequ'il y avait des signes, comme l'an dernier.

J'ai appris samedi matin, mon frère de France nous a appelé à Tel-Aviv, alors j'ai ouvert internet. Je me suis effondrée, je le suis encore..

          Comme tout le monde, je suis restée scotchée aux informations, françaises et israéliennes. Je suis allée me recueillir avec d'autres place Rabin à Tel-Aviv samedi soir. J'ai partagé le statut sur facebook de ce rassemblement, la photo de la mairie de Tel-Aviv illuminée, bleu blanc rouge, pour dire à mes amis que même loin physiquement, je partageais leur douleur. Et puis j'ai failli rajouter cette phrase "je publie aussi cette photo car vous ne la verrez pas dans les médias français", là je me suis retenue, l'heure n'était pas à la polémique, je n'allais pas tomber dedans, certains israéliens se déchaînaient déjà pas mal. "Pourquoi tu mets le drapeau français, eux ils mettent jamais le drapeau israélien", "moi je pense aux victimes de l'attentat de vendredi qui a coûté la vie à un père et son fils à Hebron", "ils vont commencer à comprendre". Peut être, oui peut être que les français vont se loger dans nos chaussures pour quelques instants. Certains oui, et je leur en suis extrèmement reconnaissante. Certains non, car enfin, non, avec Israël, ca fonctionne pas comme ça, le terrorisme des palestiniens est "justifié", "nous sommes coupables et nous le méritons, nous avons volé la terre des palestiniens", ah rem**, j'ai encore succombé à la polémique. Donc, non, je n'ai pas écrit cette phrase mais une fois de plus, j'avais raison. J'ai écouté France inter toute la journée de dimanche, alors certes ils ont  mentionné qu'il y avait eu hommage des deux côtés de la ligne verte mais ont préféré donner la parole uniquement aux palestiniens de Ramallah, aucun mot sur Tel-Aviv; la minute de silence, la marseillaise ni même Shimon Peres qui a fait son discours en français.
 
           J'ai écouté France inter, dimanche, lundi, mardi toute la journée au travail, j'ai continué à lire "le live" du monde, les réactions des gens sur Facebook. J'ai tout absorbé, tout réfléchi, analysé, j'ai essayé d'écouter avec un regard de franco-israélienne. Je me suis indignée contre ceux qui ont voulu justifier la terreur par la misère, j'ai approuvé ceux qui disaient qu'il fallait créer une défense civile. J'ai pleuré en écoutant les témoignages de survivants, de ceux qui avaient perdu leur proche, ou qui les cherchaient encore. J'ai pensé que je pouvais et que j'avais le droit de me sentir solidaire de la douleur des français même si eux ne sont pas (tous) solidaires de la mienne, que c'était pas incompatible. Parceque moi aussi j'étais touchée dans mon amour pour cette ville, parceque p**, m**, Paris ! C'était ma zone d'insouciance, mon petit jardin secret personnel, ma bouffée d'oxygène. J'ai passé deux semaines de vacances à Paris en septembre, j'ai profité de chaque instant, j'étais redevenue une touriste avec les yeux ébahis par tant de beauté.

           J'ai pensé aussi que, maintenant, la France était confrontée au terrorisme islamique de plein fouet, israéliens et français devront gérer les mêmes dilemmes moraux. Par dilemmes moraux j'entends par exemple, celui des boucliers humains, celui de tuer le terroriste, et puis celui de l'ambulance...Quoi faire face à une ambulance quand vous savez que des terroristes peuvent s'y cacher ? Comment vaincre des hommes qui sont prêts à se suicider pour tuer des innocents avec une échelle de valeur occidentale ? Encore une fois, ils choisissent la mort alors que nous choisissons la vie. Déjà si Hollande a conscient que c'est la guerre, des mesures et des actions en conséquence seront prises. Certaines actions sont justifiables en tant de guerre alors qu'elles ne le sont pas en temps de paix. Par exemple, les perquisitions qui ont eu lieu depuis trois jours, rendues possibles par l'état d'urgence et qui n'avaient vraiment pas toutes un lien direct avec les attentats, ou encore les frappes de représailles en Syrie. C'est ce que fait aussi Israël... des arrestations et des represailles car Israël est en guerre permanente contre le terrorisme.

    Certains, à la radio, se crêpent le chignon sur "c'est la guerre ou pas", mais pour le coup, même si le ton d'Hollande vendredi nuit a été une catastrophe, il avait vraiment vraiment l'air fébrile, dire que c'est une guerre, (je dirais même une guerre mondiale de religion car c'est Paris, Beyrouth, la Russie, le Kenya, la Tunisie...) pour une fois, c'est bien vu. La guerre en 2015, c'est pas la même qu'en 1939 et voilà qu'on ne prend plus les français pour des c*** comme quand on leur a dit que les frontières avaient arrêté le nuage de Tchernobyl. En revanche, pas une fois à la radio, (apparemment dans le métro il y a des annonces), on n'explique aux gens quoi faire, pour être vigilant. Alors que c'est une des solutions former les civils à être alerte, à réagir, à savoir quoi faire, ne plus regarder son portable dans la rue, à observer et détecter les individus ou les paquets suspects. Ca existe déjà dans la communauté juive en France et c'est comme ça de façon implicite en Israël, parcequ'il y a des gens qui savent le self-defense, qui sont préparés à réagir à donner l'alerte, qui ont des armes et qui savent s'en servir (anciens combattants de l'armée), c'est comme ça que les attaques de ce dernier mois s'arrêtent relativement vite pour la plupart. Car pour être très froide, mais réaliste tout de même, le risque zéro n'existe peut être pas, et ce que je propose comporte des risques je l'ai déjà évoqué ici, mais le nombre de victimes pourrait être réduit à son minimum. Je salue le courage des français qui continuent à aller boire des verres en terrasses, à aller au cinéma et au théâtre, c'est une réaction positive digne et forte, en hommage aux victimes de la barbarie, mais s'il vous plaît, français, ne soyez pas trop insouciant tout de même, la bière n'est pas un gilet pare-balle.

      D'autres attentats sont inévitables dit Walls, alors une amie m'a demandé, comment peut on vivre ainsi ? Oui on peut. Je n'ai pas vécu la seconde intifada où les bus explosaient tous les deux jours, mais c'est vrai que le climat ici est tendu et que cela peut arriver n'importe où, n'importe quand alors je dirais que l'on peut car la vie est plus forte, la routine est une grande force mine de rien, oui on peut vivre ainsi sortir et ne pas y penser tout le temps. Nous humains nous sommes plus fort, plus résistants et résilients qu'on ne peut l'imaginer. Pour vivre ainsi, il faut aussi avoir un dénominateur commun, une force, une raison de rester debout, tout ensemble. En Israël, c'est préserver notre pays, notre terre qui ainsi preserve notre peuple. En France, en Europe, je ne sais si la notion d'appartenance a un territoire est si forte aujourd'hui certainement pas comme en 14, ce n'est pas la foi en Dieu non plus pour la majorité, alors comme chacun le dit, ce sont les valeurs les plus basiques des droits de l'homme que vous devez défendre et c'est cet idéal qui doit vous guider et qui vous préservera.

vendredi 23 octobre 2015

Journal - 22 octobre 2015

          Bilan de la journée, une attaque au couteau ce matin à Beth Shemesh qui a fait un blessé léger mais qui aurait pu être beaucoup plus grave, deux terroristes ayant heureusement sans succès tenté de rentrer dans un synagogue. On a aussi appris que le terroriste du dernier attentat d'hier était en réalité un juif de Jérusalem, il s'est passé quelque chose d'assez bizarre selon les premiers éléments de l'enquête notamment qu'il avait tenté de s'emparer de l'arme d'un des soldats de garde, ils ont alors tiré sur lui.

          Ce n'est pas la première erreur dramatique des forces de sécurité cette semaine...Dimanche soir lors de l'attentat de Beer-Sheva, au cours duquel le soldat Omri Levi, a été tué, les forces de sécurité ont tiré par erreur sur Habtom Zarhom, demandeur d'asile érythréen. Lundi, j'écrivais à une amie mon émotion et mes questionnements.
"Notre société elle-même est tristement malade, la question de savoir s'il faut ou non tuer le terroriste me tourmente, et la multiplication du port d'arme, les citoyens qui font justice eux mêmes, tout cela a amené à un drame lors de l'attentat d'hier, drame, si un attentat en lui même c'est pas déjà un drame. Un terroriste a réussi à tirer sur un soldat, l'a tué puis, s'est emparé de son arme et a tiré sur d'autres soldats, lorsque la police est arrivée elle a cru qu'il y avait deux terroristes et a tiré sur un erythréen par erreur. A terre, les gens autour se sont acharnés sur lui, et l'ont véritablement lynché, croyant que c'était un terroriste (mais même si il avait été terroriste ???), quand la police c'est rendu de son erreur c'était trop tard, ses blessures étaient tellement grave qu'il est mort dans la nuit." L'enquête s'est poursuivie depuis dimanche, ceux qui ont participé au lynchage ont été arrêté, le rapport de l'autopsie affirme que la mort de Habtom Zarhom était la conséquence des tirs. Sans commentaire...
Quelques jours plus tôt, j'avais lu cet article qui éclairait quelque peu les choses : http://fr.timesofisrael.com/comment-le-jugement-dune-menace-est-interprete-par-les-policiers-et-les-internautes/
Et maintenant je rapporte une voix différente, celle qui dit qu'il faut tuer le terroriste, le tuer car il est ensuite soigné et vis en prison à nos frais, (argument moyen je trouve à vrai dire, d'autres criminels aussi sont en prison à nos frais). L'autre argument est certainement plus problématique, il n'est pas rare que des terroristes soient libérés au cours d'un accord d'échange, le dernier en date, c'est l'échange contre le soldat Guilad Shalit, des terroristes ont été libérés et n'ont pas attendus longtemps avant de participer à de nouveaux attentats...Et puis, un terroriste ne te demande pas si tu es de droite ou de gauche avant de lever son arme sur toi, il ne te demande pas si tu es monté sur le mont du temple, si tu es raciste ou humaniste, non, il tue et veut tuer le plus de personnes possible et est prêt à mourir pour cela.
 
Avec tout ces évènement en tête, je pars vers mon atelier ce matin, à pieds comme à mon habitude. Sur la route, une camionnette s'arrête à ma hauteur et deux hommes, qui de faciès et d'accent avaient l'air arabe, m'ont demandé une indication de chemin, et alors que je commençais à saisir leur demande et répondre à leur question, la peur s'est emparée de moi. Si jamais ils étaient terroristes ? Si jamais ils ne me demandaient leur chemin que pour détourner l'attention et qu'ils vont sortir une arme et tirer ? Car cela est déjà arrivé, l'été dernier à Gaza, un soldat à qui un arabe a demandé de l'aide a été piégé et a été tué par une bombe.

Malgré tout cela, je dois me raisonner, reprendre le bus et aller me changer les idées. Il y avait ce soir une soirée organisée par "Pashout sharim" ce qui veut dire, "Simplement chanter". J'avais déjà été il y a quelques années à ce genre d'évènement, juifs et arabes, chantent ensemble des chansons israéliennes, des chansons arabes et les interventions sont dites dans les deux langues. C'était très beau. Ce soir, c'était assez restreint du côté arabe, effectivement ambitieux pour eux de faire la queue aux check-points qui ferment leur quartier, mais quand les terroristes viennent de ces mêmes quartiers, que faire ? Malgré tout, la soirée était très belle, on voit que la rentrée étudiante est passée, l'espace était rempli de jeunes qui dès la première note de musique se sont levés pour danser. Il y a eu aussi un temps des anti-co-existence entre juifs et arabes qui ont crié contre, mais le public a décidé de crier plus fort qu'eux des encouragements aux artistes sur scènes et ont étouffé leur slogans. Finalement, ils sont partis assez rapidement. 

J'ai dansé moi aussi, je me suis rarement autant laissé entraînée par la musique, un peu euphorique, j'avais réussi à braver mes peurs pour un soir. 
Et en dansant cette danse de liberté, je pensais aussi aux morts, à ceux de cette semaine, de la semaine d'avant et ceux d'il y a quelques mois, aux blessés dans les hôpitaux et plus j'y pensais plus je sautais et me laissais portée par la danse et la musique. 
J'étais debout et c'était mon hommage à la vie.

mercredi 21 octobre 2015

Journal - 21 octobre 2015

Depuis plusieurs semaines maintenant la vague d'attentat, la troisième intifada a commencé. J'ai ainsi longtemps gardé pour moi tout ce que je vivais, entendais, lisais mais comme finalement j'ai beaucoup de choses à dire, j'ai décidé de les écrire. Déjà sur les semaines passées et sur ce début de semaine en particulier j'ai beaucoup de choses à dire mais je ne veux pas revenir en arrière, peut être que cela transparaîtra dans les prochains billets. Les textes sont écrits donc sur le vif.

Le 21 octobre 2015 se termine dans quinze minute et il y a eu 5 attentats aujourd'hui, le dernier il y a quelques minutes, attentat à la voiture bélier, attentat à l'arme blanche, jets de pierre puis voiture bélier, plusieurs blessés dans un état grave aujourd'hui, d'autres blessés moyens ou légers. Les terroristes ont été tués ou blessés au cours de l'attentat. Une roquette tirée depuis Gaza qui a attérit  à moins d'un kilomètre de la frontière sans faire de blessés. C'est devenu notre quotidien ici, on en devient moins émotionnellement touché, car il faut que la vie continue aussi.

Ce matin, je me suis réveillée indignée par les propos débiles de Netanyahou qui a dit qu'Hitler n'avait pas l'intention d'exterminer les juifs mais que cela lui avait été soufflé par le mufti de Jérusalem. Même s'il s'est rendu compte de sa connerie et est revenu sur ses propos dans la journée, le mal est fait. C'est là que je lis une réflexion sur Facebook, disant que tout d'un coup, certains personnes dans nos contact s'empressent de relayer cette grosse boulette de Bibi, tiens le moyen-orient les intéresse toujours dit-il, pourtant on n'a pas lu d'autres réactions pendant trois semaines, lors d'attentats meurtriers et aveugles, lors d'émeutes ? Etrange non ?

Aujourd'hui, j'ai parlé avec quelqu'un qui m'a dit de ne pas changer mes habitudes, de continuer à faire les courses au shouk, de continuer à sortir et de ne pas avoir peur parce qu'il y a des policiers et militaires partout. Jusqu'à présent j'avais décider de sortir très peu, juste le nécessaire et l'indispensable. Ce week-end, je dois aller à Tel-Aviv, prendre le bus, aller à a la gare central, ce ne sera pas des moments facile, mais c'est décider, j'irai à Tel-Aviv.

Aujourd'hui j'ai lu ce texte sur Facebook, que je traduis de l'hébreu, lui même traduit de l'arabe, c'est un groupe d'israéliens qui a décidé de traduire des statuts de pages populaires de Jérusalem-Est.
עמוד 'בית חנינא-ירושלים':
"אחרי השהיד émoticône frown משהו חסר בכל מקום. ספה שתישאר ריקה זמן רב. כיסא פחות בשולחן ארוחת הערב. מושב ריק במכונית. קול מת בבית. ערוץ בטלוויזיה שכבר לא יהיה פתוח. מיטה שאף אחד כבר לא יישן עליה. ספרים ומחברות שיישארו סגורים. בגדים שאף אחד לא ילבש. אחרי השהיד נוצר חלל גדול ששום דבר אף פעם לא ימלא. גם אם מיליון אנשים ינסו להשלים את החסר, החלל ישאר כמו שהוא.
אבל למרות כל זה, המולדת ראויה שנקריב בשבילה ואל-אקצא ראוי לעוד ועוד מרוחנו ונשמתנו, מילדינו ואחינו."
 Page "Beit Hanina - Jérusalem"
Après la mort d'un mort d'un martyre, quelque chose manque dans chaque endroit. Un canapé qui restera vide pendant longtemps, une chaise en moins à la table du repas du soir, un siège vide dans la voiture. Une voix morte dans la maison. La télévision qui ne sera plus allumée. Un lit sur lequel personne n'ira plus dormir. Des livres et des cahiers qui resteront fermés. Des habits que plus personne ne mettra. Après un martyre, il reste un grand vide que jamais rien ne pourra remplir. Même si des millions de personnes essaient de compléter ce qu'il manque, le vide restera vide. Mais, en dépit de tout cela, la patrie vaut qu'on se sacrifie pour elle et Al-Aqsa vaut, encore et encore, de nos esprit et nos âmes de nos enfants et de nos frères.
Voilà comme si on ne le savait pas déjà, la perte d'un être cher est aussi douloureuse pour les israéliens que pour les palestiniens, que les israéliens sont aussi prêts à se sacrifier pour protéger leur pays. La différence étant que nous ne pensons pas que nos morts sont des martyrs, et nous n'entraînons pas nos enfants à devenir des martyrs, ce ne sont pas des terroristes dont le seul but dans la vie c'est de tuer des juifs. La vie est dans le judaïsme plus forte et plus importante que la mort, "tu choisiras la vie" dit la Bible.

Aujourd'hui, j'ai entendu parlé à la radio le Rav Cherki qui disait que lorsqu'il y a des attentats, il faut s'entraîner au krav maga et au self defense et renforcer notre souveraineté, mais qu'étudier la Torah n'était pas la réponse adéquat en cas d'attentat. Bon pour moi, ça coule sous le sens, mais pour des personnes ayant la foi c'est assez révolutionnaire.  

Aujourd'hui, j'ai avancé et reculé aussi dans mon travail personnel, mon métier demande beaucoup de patience, mais des fois, c'est dur de résister, et d'attendre, alors, je brûle les étapes et finalement, ça détruit mon travail. Mais voilà, on apprend tous les jours.

mardi 25 août 2015

Cinq ans

Un an en Israël s'est transformé en cinq, déjà...

       Le 25 août 2010, après une formation de deux ans en bijouterie, c'était une envolée vers de nouveaux défis, un nouvel inconnu, pas absolument sûre de mon choix il faut bien l'admettre, mais une intuition profonde, l'envie d'un avenir meilleur, pour moi et pour mes enfants qui ne sont pas encore nés.

      Le 25 août 2015, c'est une journée de travail routinière dans l'entreprise de bijouterie où je travaille depuis trois ans et demi, un concert de jazz en hommage à Yedidia Admor, un compositeur israélien qui m'était encore inconnu cinq minutes avant le concert. Parce que parfois quand on ne veut pas rester seul chez soi, on sort vers l'inconnu, prêt à toute surprise et éventualité. Une éventuelle proposition de shidduch (chouette !). L'envie de rejouer de la flûte. L'achat d'un nouveau lit pour remplacer celui acheté d'occasion il y a quatre ans, pour embellir aussi mon studio dans lequel j'ai appris à prendre mes repères mais que je peux devoir quitter avec un mois de préavis parce que le propriétaire veut faire de gros travaux.

La langue est apprise et comprise, la culture commence à rentrer aussi. Au début, je me faisais avoir sans le savoir, après je me suis rendue compte que je me faisais avoir, maintenant non seulement je le sais mais je ne me laisse plus faire et crie plus fort, enfin, pas encore toujours faut l'avouer quand même, c'est pas si simple.

Toujours être payé des clopinettes, c'est à dire moins que le SMIC horaire en France, mais avoir réussi par ma détermination à faire fléchir mon patron au cours de la première vraie négociation de ma vie pour qu'il accède à ma demande d'augmentation et de temps partiel. S'installer dans un espace atelier dédié à mon travail et mes créations en dehors de la maison. Etre exposée dans une boutique de design hyérosolomitain.

Déménager deux fois, toujours à Jérusalem, (pourquoi Jérusalem, d'ailleurs, je n'ai toujours pas de réponse à cette question). Ce n'est pas beaucoup deux fois, finalement, mais ce n'est que maintenant que je commence à ne plus me sentir étrangère à ces lieux. Apprivoiser cet environnement, ces pierres, cela me prend du temps, beaucoup de temps. Cette sensation de bien être quand je rentrais chez moi à Paris, quand je reconnaissais les moindres recoins du trajet à mesure que je m'approchais de la maison, elle, elle n'est pas encore là.

Cinq ans d'Alyah, c'est la difficile aventure sociale, j'ai été accueilli par la famille, j'ai renoué les liens avec ma sœur, j'ai vu naître deux neveux sabras, mais j'ai mis du temps à trouver des amis, ils se comptent sur le doigt d'une main.

C'est aussi le début de l'apprentissage de l'arabe parlé, c'est une des choses que je me suis promise en arrivant ici. Après l'apprentissage de l'hébreu, j'apprendrai l'arabe (l'autre c'est de traduire le livre de mon grand-père en hébreu). Etre à l'affut de tout ce que Jérusalem peut offrir comme évènement d'art contemporain (et il y en a de plus en plus).

C'est les allers-retours à Paris, essayer de jongler entre les rendez-vous avec les grand-parents, les amis, les neveux, les cousins, essayer de faire que chaque minute avec eux compte et de pouvoir les voir tous. Répondre à la question "pourquoi tu es partie ?" et devoir dire "au-revoir". Dire au-revoir à mes grand-parents en pensant à chaque fois que c'est peut être la dernière fois. Pendant ces cinq ans, j'ai perdu ma grand-mère, puis mon grand-père.

Venir spécialement pour fêter les mariages des amies en faisant le grand écart avec ma religion parce que l'amitié ici bas est plus forte, ou devoir leur dire que je ne serais pas là pour fêter ça.

Fêter de nombreux mariages, naissances et bar-mitsvot en Israël alors que je suis une lointaine cousine qui ne connaît pas encore toute ma grand famille.

Voir la France sombrer petit à petit, victime du terrorisme islamique, qu'il faut nommer. Les terroristes islamistes ont commencé par tuer des militaires, puis des juifs, des figures de la liberté d'expression, des policiers, puis ont ciblé des Eglises (attentat déjoué). Maintenant, tous les remparts sont détruits, c'est le monsieur tout le monde qui est visé.

Se poser la question, où je vais passer shabat quand mes parents sont en France, être souvent seule les vendredis soir et/ou samedi midi mais recevoir trois invitations la même semaine et devoir dire non à deux d'entre elles. Apprendre à appeler pour se faire inviter, apprendre à ne jamais avoir de rendez-vous fixé de façon ferme plus de deux heures en avance, car on comprend finalement que oui, tout peut arriver ici et que c'est difficile de planifier. 

Apprendre à prendre du recul, même quand on se fait cambrioler, à se demander quand c'est la guerre où est l'abri le plus proche.

Aller à l'enterrement de son cousin, Shalom Yohaï Cherki, 26ans, fils du cousin germain de ma mère, assassiné dans un attentat à la voiture bélier le soir de yom hashoah, le 15 avril 2015. Et être meurtrie au plus profond de son être en écoutant son père et ses frères. Puis aller aux cours en sa mémoire même si je ne le connaissais pas personnellement. Je ne pense pas que quoi que ce soit puisse réconforter une telle souffrance.

Il y a cinq ans, penser naïvement que chaque attentat, chaque mort sera le dernier puis finir par intégrer l'idée qu'il y en aura d'autres inévitablement. Comprendre alors le sentiment des israéliens de vouloir habiter ailleurs et ne plus s'étonner de leur réflexion (un peu schématisée pour l'occasion) "mais qu'est ce que tu es venue faire ici, je n'ai qu'un rêve c'est de partir". Comprendre que si on ne vit pas ici, on ne peut pas comprendre ce que cela veut dire (c'est comme être parent, pas possible de comprendre sans le vivre).

Aller voter, deux fois. Entendre la démocratie israélienne, les combats des éthiopiens contre le racisme, des homosexuels pour leur droits, des yémenites pour la reconnaissance de l'état sur sa responsabilité dans l'enlèvement de leurs enfants, les inégalités, les fossés qui séparent les haredims du reste de la population. Entendre aussi la solidarité des gens car tout n'est pas noire non plus. Comprendre qu'une vision politique européenne occidentale ne peut peut être pas s'appliquer au Moyen-Orient où culture et religion sont autres.  

Plus j'écris, plus j'ai des ressentis à partager mais ce post déjà bien long serait interminable alors je termine en me demandant quoi me souhaiter pour les cinq prochaines années ? Aller, me sentir chez moi et fonder un foyer ici, en Israël.

vendredi 14 août 2015

Ouria Tadmor, photographe de rue

             Ouria Tadmor, photographe de rue habite et travaille à Jérusalem. Il travaille pour la presse et mène des projets personnels en parallèle. J'ai découvert son travail il y a peu au détour d'une exposition à Jérusalem, le festival "Toolbox" au cours duquel il présentait son premier livre de photographie : "Transit Jerusalem".


Extrait de "Transit Jerusalem"
       
   

       J'ai été tout de suite émue par ses photos. Il est vrai que le sujet lui même me touche particulièrement me déplaçant uniquement à pieds ou en transport en communs à Jérusalem, mais ce n'est pas seulement pour cela. Les photos d'Ouria Tadmor sont empreintes d'humanité et de questionnements. La sincérité de son travail monumental bouleverse. Pour une petite cinquantaine de photo présentées dans le livre, Ouria avait à choisir parmi 2 000 clichés qu'il a pris pendant 6 ans. Six ans à arpenter les stations, voyager et photographier dans les bus ou les tramway.

Ce sont des moments pris dans l'instant, l’œil du photographe accroche un regard, un mouvement de bus, une attitude. Ces nombreux éléments et effets visuels rythment ses photos. Les contrastes flous/nets, les lignes qui s'entrecroisent mais qui sont parfaitement droites, les jeux de réflexions des personnages, à travers les vitres et les miroirs, sont si bien orchestrés qu'on se laisse porter sans chercher à les comprendre. Car c'est finalement ainsi qu'il faut regarder les photos d'Ouria Tadmor, se laisser porter et se balader dans ses photos qui réservent des découvertes et étonnements qui ne peuvent être décelés au premier coup d’œil. L'artiste nous entraîne dans sa photo et c'est en s'y plongeant un long instant que l'on découvre peu à peu toutes ses surprises.

La démarche d'Ouria c'est de photographier Jérusalem dans sa simplicité, dans sa routine, dans sa banalité. Capter les hiérosolomytains dans leur quotidien, leurs courses au marché, leurs trajets vers leurs lieu de travail...Il recherche ainsi l'anti-exceptionnel devant l'exceptionnel de cette ville. Une question se pose alors, quelle est l'influence de la ville sur ses habitants ? Ces regards, ces attitudes, ces personnages auraient-ils été différents s'ils avaient habité dans une autre ville ? Ce qui m'a amené à me poser cette question à laquelle je n'avais jusqu'à présent pas répondu, pourquoi est ce que j'habite à Jérusalem ?...

Ouria explique également qu'il se tient à distance du conflit qui pèse sur la ville, qu'il ne veut pas le voir, ne pas l'entendre, ne veut pas le photographier. Mais il est difficile d'y échapper...Il me semble que "le conflit" le rattrape malgré lui. Le choix du tramway n'est pas anodin, il est un axe qui traverse et qui s'arrête dans des quartiers juifs et arabe et on y retrouve toutes les couleurs de Jérusalem. Mais il me semble que même si ce n'est pas le but de son livre, tous ces efforts pour fermer les yeux sont vains, c'est bien Jérusalem qu'il a photographié, ses habitants, leurs diversités et leurs oppositions.

*Festival Tools box, rouah hadacha...les jeunes de Jérusalem construisent Jérusalem. Leur site web, cliquez ici

vendredi 9 janvier 2015

Un cri, des pleurs, des crayons, debout

J'ai crié, j'ai pleuré, pleuré. 
Il y a un triste sentiment de déjà vu, déjà vu en 2012 à Toulouse, déjà vu à Bruxelles, déjà vu le massacre des chrétiens d'orient, déjà vu le massacre des yazidis, déjà vu...
Mais là la France se réveille...comment on appelle cela déjà, l'émotion est plus intense quand les morts sont proches de nous...
Le slogan, "je suis charlie", a été repris par tous, oui, nous sommes tous charlie. En hébreu, charlie, s'écrit, שארלי, c'est l'anagramme d'Israël, ישראל. Les lettres hébreux ont également valeur numérique, ainsi les deux mots ont même valeur numérique, un signe ? Je me permets de penser que ce sont deux remparts, les juifs sont comme Charlie Hebdo au regard de ces fanatiques, des remparts. C'est pour cela, qu'ils les tuent en premier. Oui, la guerre a commencé.