mercredi 18 novembre 2015

Attentats

         Le 29 octobre, j'ai écris un mail à trois de meilleures amies, parisiennes. Je leur ai dit d'observer autour d'elle, d'être alerte dans la rue, d'éviter les grands magasins ou les endroits bondés pour les courses de Noël. C'était deux semaines avant les attentats. J'avais beaucoup hésité avant d'écrire ce mail, mais mon inquiétude était grande. J'avais lu quelques semaines plus tôt, un article alertant sur i24 news, qui décrivait que les services de renseignement craignaient un attentat de grande envergure comme la prise en otage d'un grand magasin...Et il y a quelques mois, j'avais entendu l'analyse d'une israélienne vivant en France qui m'expliquait qu'elle avait vu dans les voitures béliers lancées contre les passants pendant les courses de Noël, des signes avant-coureurs des attentats de janvier. Alors j'ai fait un parallèle avec aujourd'hui. J'avais lu que des attaques au couteau avaient eu lieu en France, certaines très graves et qu'à nouveau on décrivait les assaillants comme des déséquilibrés. J'avais beaucoup hésité à leur écrire, j'avais limité mon mail à trois personnes, je me disais que je ne voulais pas lancer la psychose ou une rumeur, j'avais effleuré mes intuitions, j'étais dans la retenue, mais tout de même ils fallaient qu'elles fassent attention, comme moi, parcequ'il y avait des signes, comme l'an dernier.

J'ai appris samedi matin, mon frère de France nous a appelé à Tel-Aviv, alors j'ai ouvert internet. Je me suis effondrée, je le suis encore..

          Comme tout le monde, je suis restée scotchée aux informations, françaises et israéliennes. Je suis allée me recueillir avec d'autres place Rabin à Tel-Aviv samedi soir. J'ai partagé le statut sur facebook de ce rassemblement, la photo de la mairie de Tel-Aviv illuminée, bleu blanc rouge, pour dire à mes amis que même loin physiquement, je partageais leur douleur. Et puis j'ai failli rajouter cette phrase "je publie aussi cette photo car vous ne la verrez pas dans les médias français", là je me suis retenue, l'heure n'était pas à la polémique, je n'allais pas tomber dedans, certains israéliens se déchaînaient déjà pas mal. "Pourquoi tu mets le drapeau français, eux ils mettent jamais le drapeau israélien", "moi je pense aux victimes de l'attentat de vendredi qui a coûté la vie à un père et son fils à Hebron", "ils vont commencer à comprendre". Peut être, oui peut être que les français vont se loger dans nos chaussures pour quelques instants. Certains oui, et je leur en suis extrèmement reconnaissante. Certains non, car enfin, non, avec Israël, ca fonctionne pas comme ça, le terrorisme des palestiniens est "justifié", "nous sommes coupables et nous le méritons, nous avons volé la terre des palestiniens", ah rem**, j'ai encore succombé à la polémique. Donc, non, je n'ai pas écrit cette phrase mais une fois de plus, j'avais raison. J'ai écouté France inter toute la journée de dimanche, alors certes ils ont  mentionné qu'il y avait eu hommage des deux côtés de la ligne verte mais ont préféré donner la parole uniquement aux palestiniens de Ramallah, aucun mot sur Tel-Aviv; la minute de silence, la marseillaise ni même Shimon Peres qui a fait son discours en français.
 
           J'ai écouté France inter, dimanche, lundi, mardi toute la journée au travail, j'ai continué à lire "le live" du monde, les réactions des gens sur Facebook. J'ai tout absorbé, tout réfléchi, analysé, j'ai essayé d'écouter avec un regard de franco-israélienne. Je me suis indignée contre ceux qui ont voulu justifier la terreur par la misère, j'ai approuvé ceux qui disaient qu'il fallait créer une défense civile. J'ai pleuré en écoutant les témoignages de survivants, de ceux qui avaient perdu leur proche, ou qui les cherchaient encore. J'ai pensé que je pouvais et que j'avais le droit de me sentir solidaire de la douleur des français même si eux ne sont pas (tous) solidaires de la mienne, que c'était pas incompatible. Parceque moi aussi j'étais touchée dans mon amour pour cette ville, parceque p**, m**, Paris ! C'était ma zone d'insouciance, mon petit jardin secret personnel, ma bouffée d'oxygène. J'ai passé deux semaines de vacances à Paris en septembre, j'ai profité de chaque instant, j'étais redevenue une touriste avec les yeux ébahis par tant de beauté.

           J'ai pensé aussi que, maintenant, la France était confrontée au terrorisme islamique de plein fouet, israéliens et français devront gérer les mêmes dilemmes moraux. Par dilemmes moraux j'entends par exemple, celui des boucliers humains, celui de tuer le terroriste, et puis celui de l'ambulance...Quoi faire face à une ambulance quand vous savez que des terroristes peuvent s'y cacher ? Comment vaincre des hommes qui sont prêts à se suicider pour tuer des innocents avec une échelle de valeur occidentale ? Encore une fois, ils choisissent la mort alors que nous choisissons la vie. Déjà si Hollande a conscient que c'est la guerre, des mesures et des actions en conséquence seront prises. Certaines actions sont justifiables en tant de guerre alors qu'elles ne le sont pas en temps de paix. Par exemple, les perquisitions qui ont eu lieu depuis trois jours, rendues possibles par l'état d'urgence et qui n'avaient vraiment pas toutes un lien direct avec les attentats, ou encore les frappes de représailles en Syrie. C'est ce que fait aussi Israël... des arrestations et des represailles car Israël est en guerre permanente contre le terrorisme.

    Certains, à la radio, se crêpent le chignon sur "c'est la guerre ou pas", mais pour le coup, même si le ton d'Hollande vendredi nuit a été une catastrophe, il avait vraiment vraiment l'air fébrile, dire que c'est une guerre, (je dirais même une guerre mondiale de religion car c'est Paris, Beyrouth, la Russie, le Kenya, la Tunisie...) pour une fois, c'est bien vu. La guerre en 2015, c'est pas la même qu'en 1939 et voilà qu'on ne prend plus les français pour des c*** comme quand on leur a dit que les frontières avaient arrêté le nuage de Tchernobyl. En revanche, pas une fois à la radio, (apparemment dans le métro il y a des annonces), on n'explique aux gens quoi faire, pour être vigilant. Alors que c'est une des solutions former les civils à être alerte, à réagir, à savoir quoi faire, ne plus regarder son portable dans la rue, à observer et détecter les individus ou les paquets suspects. Ca existe déjà dans la communauté juive en France et c'est comme ça de façon implicite en Israël, parcequ'il y a des gens qui savent le self-defense, qui sont préparés à réagir à donner l'alerte, qui ont des armes et qui savent s'en servir (anciens combattants de l'armée), c'est comme ça que les attaques de ce dernier mois s'arrêtent relativement vite pour la plupart. Car pour être très froide, mais réaliste tout de même, le risque zéro n'existe peut être pas, et ce que je propose comporte des risques je l'ai déjà évoqué ici, mais le nombre de victimes pourrait être réduit à son minimum. Je salue le courage des français qui continuent à aller boire des verres en terrasses, à aller au cinéma et au théâtre, c'est une réaction positive digne et forte, en hommage aux victimes de la barbarie, mais s'il vous plaît, français, ne soyez pas trop insouciant tout de même, la bière n'est pas un gilet pare-balle.

      D'autres attentats sont inévitables dit Walls, alors une amie m'a demandé, comment peut on vivre ainsi ? Oui on peut. Je n'ai pas vécu la seconde intifada où les bus explosaient tous les deux jours, mais c'est vrai que le climat ici est tendu et que cela peut arriver n'importe où, n'importe quand alors je dirais que l'on peut car la vie est plus forte, la routine est une grande force mine de rien, oui on peut vivre ainsi sortir et ne pas y penser tout le temps. Nous humains nous sommes plus fort, plus résistants et résilients qu'on ne peut l'imaginer. Pour vivre ainsi, il faut aussi avoir un dénominateur commun, une force, une raison de rester debout, tout ensemble. En Israël, c'est préserver notre pays, notre terre qui ainsi preserve notre peuple. En France, en Europe, je ne sais si la notion d'appartenance a un territoire est si forte aujourd'hui certainement pas comme en 14, ce n'est pas la foi en Dieu non plus pour la majorité, alors comme chacun le dit, ce sont les valeurs les plus basiques des droits de l'homme que vous devez défendre et c'est cet idéal qui doit vous guider et qui vous préservera.