dimanche 20 mars 2011

Une histoire de bus

Vendredi dernier, bus n°4. Ce bus m’amène vers le centre-ville et passe par un des quartiers ultra-orthodoxe de Jérusalem, Méa Shéarim. Je portai un haut débardeur mais comme je vais passer chabat chez ma grand-tante et que je risque d’y rencontrer des cousins aussi très religieux, je prends soin de mettre un tee-shirt en dessous du débardeur qui couvre les épaules.
Revenir aux racines...
Et là, une femme Haredi assise à côté de moi, m’interpelle et me dis (en hébreu) « 90% des personnes de ce bus sont religieux (Dati) » moi, « oui et alors ? ». « Alors tu devrais couvrir tes bras jusqu’aux poignets » me répond-t-elle, moi « non, je m’habille comme je veux ». Mais elle n’en démord pas, « 90% des gens dans ce bus sont religieux ». Alors dans mon hébreu primaire, j’essaie d’expliquer ce que je ressens. Ils sont en train de bâtir des murs entre les juifs. Elle me dit : « tu es laïque », non, « tu es religieuse », non, « tu respectes chabat », non, alors t’es quoi ? Quelque part entre les deux, et visiblement ça pose problème. « Tes parents étaient religieux ? », non, « tes grands-parents alors ? », non (enfin pour dire vrai, oui d’un côté), mes arrière-grand-parents étaient religieux. Ah voilà, son visage s’éclaircit, « nous voulons revenir aux racines », me dit-elle.
Homme nouveau…
La semaine dernière je parlais avec un laïc, sioniste, la conversation étaient en anglais, j’en rapporte ce que j’ai ressenti. Je lui demande, comment peut-on être sioniste sans « rien faire », comment peut-on avoir le sentiment qu’il faut alors vivre en Israël ? Si ce n’est pas pour vivre son judaïsme, pourquoi ne pas vivre ailleurs ? Il me répond que les sionistes avaient l’idée d’un juif nouveau. Mais je comprend pas, alors il me dit, tu sais les juifs ne sont pas totalement en sécurité ailleurs qu’en Israël, en France là où tu vis, tu ne peux pas nier qu’il n’y a pas d’antisémitisme. Non, je ne peux pas nier, le meurtre d’Ilan Halimi était clairement antisémite. Mais alors, fait isolé ? Antisémitisme latent ? Comment puis-je savoir ? Nous avons peur. La Shoah est dans notre conscience collective, Israël est la réponse à cette peur, si je suis en Israël c'est donc que je participe physiquement à l’existence de ce pays, je participe à un bouclier contre l’antisémitisme. Mais cette peur m’inquiète, me pose question, elle est par définition non raisonnée.
Et puis, aussi je réfléchis aux laïcs, et je me dis ils ne respectent aucune règle religieuse et pire, ils sont ignorants du judaïsme. Oui, mais ils se déguisent à Pourim, font un repas qui rassemble famille et amis le vendredi soir, le soir de Roch Achana ou de Pessah, même s’ils ne jeûnent pas, ne prient pas, regardent la télé le jour de Yom Kippour, ce jour reste un jour spécial, différent des autres pour eux. Finalement, un juif même laïc qui vit en Israël garde une trace du judaïsme, même si c’est malgré lui parfois.
Ca me rappelle l’histoire du gigot coupé. Une fille demande à sa mère, pourquoi tu coupes les bouts du gigot avant de le mettre dans le four ? La mère, je ne sais pas mais ma mère faisait comme ça…Je vais demander pourquoi à ma mère. Sa mère ne sait pas, alors elle demande à l’arrière-grand-mère…Et son arrière-grand-mère lui dit, à l’époque, j’étais obligé de couper mon gigot pour qu’il rentre dans mon four !
Alors, homme nouveau ou retour aux racines ? Les deux visions d’Israël se côtoient aujourd’hui mais pourquoi combien de temps encore ?

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